Ce samedi 2 avril 2016 était célébrée à Nice (Alpes
Maritimes)
la journée nationale du
réserviste.
Avec tous les
officiels présents et représentés pour prise d’armes et discours dans les
jardins de la Villa MASSÉNA le matin cela s’annonçait assez classique. Comme il est d’usage, le ban
et l’arrière ban des notables plus la presse étaient conviés.
On en est arrivé jusqu’à votre serviteur qui n’est nullement
notable et même pas noté, c’est pour dire si c’était ouvert sur la société
civile.
Soit que le buffet offert au final de la matinée ait été
prodigieux, soit que le déjeuner de certains ait été trop copieux par la suite,
toujours est-il que nous étions au moins moitié moins pour suivre la conférence
de l’après-midi dans les salons.
Et c’est dommage pour les absents.
La menace
terroriste est un sujet en apparence battu et rebattu, sur lequel Alain CHOUET a une
vision assez décapante.
Décapant et prudent, il faut le dire, car compte tenu de son
autorité dans le sujet qu’il traite il est toujours après coup victime d’interprétations qu'il nomme délicatement "volées de bois vert" ;
à tel point qu’il a même pu en faire l’introduction de son propos.
Pas facile, dans
notre France qui se dit en guerre sans la faire totalement, de parler
librement.
Par précaution moi aussi je vais attendre le compte rendu sur papier
avant de détailler.
Mais sur le fond, c’est du bon sens qui s’est exprimé.
Du
bon sens parfois acide, cynique ou désabusé ; mais preuves à l’appui. Qui
n’aurait ce sentiment quand il entonne la litanie devenue habituelle des
communicants institutionnels après chaque attentat dit majeur :
« Les
auteurs étaient connus de nos services, toute notre compassion pour les
victimes, mais après ça vous allez voir ce que vous allez voir, tout va être
mis en œuvre, etc… etc… ».
Nous arrivons aux limites d’un discours qui prouve que la
raquette a de gros trous, que la compassion ne suffit pas, et que le « tout »
qui est mis en œuvre n’est le plus souvent que ce qui était en cours majoré d’un
effet d’annonce et de quelques communiqués martiaux, non suivis de budget.
Enfin sa démonstration de la mécanique des actions où il met
l’accent sur le « pourquoi » plutôt que sur un « comment »
forcément différent à chaque fois, est d’une implacable lucidité.
Je répugne à le citer, car hors contexte ce sera forcément
réduit à une caricature, et il vaut bien mieux que cela, mais « un poseur de bombes c’est d’abord un
poseur de questions » est une phrase, dans le travail des analystes, qui
doit toujours être riche de sens. Pas au premier degré, pas pour faire les gros
titres des journaux, et très loin de ceux qui pensent que chercher à comprendre
un crime c’est l’excuser… Comprendre le ressort, c’est au contraire l’arme
fondamentale qui permet et de parer le coup à venir et d’y riposter
efficacement.
Bien souvent cette phrase, qui dérange tous les conformismes
intellectuels et partisans, est écartée au profit du mode opératoire, du « comment »
ou « comment « ils » ont fait ? ».
C’est là une erreur qui coûte chaque année des millions en
mesures dites de protection qui deviennent rapidement obsolètes car attachées matériellement
à une lettre versatile, là où l’esprit du faible au fort implique un
renouvellement constant dont le « pourquoi » est la seule clef de
décodage valable.
Grand exposé international, mais aussi moments concrets de
la vie locale, et hommage au travail de ceux qui inlassablement vont rechercher
au plus près les détails, à commencer par le souvenir des Gendarmes au fin fond
de la campagne, qui de bribes en bribes, parvenaient « dans le temps »
à (presque) « tout savoir dans le canton ». Une efficacité loin du
cyberespace, fondée sur une approche humaine du milieu, dont on a encore et toujours
bien besoin de s’inspirer.
En résumé un moment intellectuellement riche, devant un
auditoire auquel on laisse autant de temps pour poser des questions - librement
- qu’il y en a eu pour l’exposé du conférencier. Avec parfois des refus de
réponse justifiés, soit par le secret à respecter, soit par le risque de
mauvaise interprétation, mais le plus souvent avec des réponses détaillées, et des
renvois sur une complexité géostratégique qui est alors expliquée en termes
simples.
Alain CHOUET est un
de ces hommes dont la France a le secret, qui agacent, qui vous font penser que la limite d’âge
est une erreur et le patriotisme une réalité.
Écoutez-le si vous avez la chance de l’écouter, lisez-le si
vous n’avez pas mieux. Par sa clarté et son concret son exposé est remarquable.
C'est juste mon avis en sortie de conférence.
Lui, il dirait probablement que c'est perfectible et qu'on a le droit de le critiquer. Alors je critique... positivement.
Bravo, et encore une fois, c’est dommage… pour ceux qui sont
restés digérer au lieu de revenir écouter.
N’est pas auditeur qui veut, mais
qui sait…
Didier CODANI